Le POUM : révolution et contre-révolution en Espagne

Publié le par Jean-Louis bargès

Le mardi 5 février 2008, un exposé sur le P.O.U.M. (Partido Obrero de Unificacion Marxista, Parti Ouvrier d'Unification Marxiste) a montré que, plus de 70 ans après la révolution espagnole, les discussions historico-politiques sur ce sujet étaient encore d'une brulante actualité.

Quelques éléments de réflexion sur Le POUM
(D’après « Révolution et contre-révolution en Espagne (1936-1938) » De Felix  Morrow)

 

Dans les villes industrielles contrôlées par le P.O.U.M., comme Lerida et Gerona, il aurait suffi d'un seul exemple d'élection de délégués dans chaque usine et chaque entreprise et qui se seraient joints à ceux des détachements ouvriers et des milices, pour créer un parlement ouvrier fonctionnant comme organe dirigeant de cette zone, pour électriser la Catalogne et lancer partout un processus identique.

 

Le P.O.U.M. était la seule organisation qui semblait apte à entreprendre la tâche de construire des soviets.  Ses dirigeants avaient été les fondateurs du mouvement communiste en Espagne.

 Il avait toutefois des carences fondamentales.

 

La fusion des partisans de Maurin (le bloc ouvrier et paysan) avec l'ex-Gauche communiste (trotskyste), dirigée par Andres Nin et Juan Andrade  n'était qu'un amalgame, dans lequel les éléments communistes de gauche avaient adopté un " programme commun " qui ne faisait que reprendre les vieilles conceptions de Maurin, dont Trotsky avait déjà déclaré en juin 1931 :

(" la révolution espagnole en danger "), [... ] Les idées et les méthodes que 1"opposition de Gauche combattit implacablement …trouvent leur expression la plus désastreuse dans le programme de Maurin. [ ... ] Pendant une révolution, un point de départ erroné se traduit inévitablement dans le cours des événements par le langage de la défaite."

(The Mililant, 1" août 1931.)

 

Les premiers résultats de la fusion n'avaient guère été encourageants.  Après des mois de campagne contre la coalition avec la bourgeoisie, le P.O.U.M. était entré du jour au lendemain dans la coalition électorale de février 1936, qu'il l'abandonna après les élections.

 

 Toutefois, beaucoup espéraient du P.O.U.M. qu'il prenne l'initiative d'organiser les soviets.  Nin était maintenant à la tête du parti.  Il avait été en Russie, pendant les premières années de la révolution, un dirigeant de l'Internationale syndicale rouge.  

 

 Les travailleurs du P.O.U.M., bien formés politiquement, jouèrent un grand rôle, parfaitement disproportionné à leurs forces, en s'emparant de la terre et des usines dans les premières semaines de la révolution.  Comptant près de 8 000 membres à la veille de la guerre civile, le P.O.U.M. s'accrut rapidement, tout en demeurant principalement une organisation catalane.  Dans les premiers mois, il quadrupla le nombre de ses membres.  Son influence augmenta plus vite encore, comme en témoigne à l'évidence le recrutement de plus de 10 000 miliciens sous son drapeau.

Quelques erreurs stratégiques : avec la CNT, à l’international…

Le P.O.U.M. envoya ses militants dans l'U.G.T. catalane, plus petite et hétérogène, au lieu de lutter pour la direction des millions de membres de la C.N.T. Il organisa ses propres colonnes dans la milice, circonscrivant ainsi son influence, au lieu d'envoyer ses forces dans les énormes colonnes de la C.N.T., qui rassemblait déjà les sections décisives du prolétariat.  

 

La Batalla n'attaqua ne lança pas une seule attaque de principe contre la direction CNT/AIT, même quand les anarchistes acceptèrent l'expulsion du P.O.U.M. de la Generalidad.  

 

Loin de conduire à l'unité d'action avec la C.N.T., ce cours erroné permit à la direction de la C.N.T.-F.A.I. de tourner le dos au P.O.U.M. sans dommage.

 

Plus d'une fois, du temps de Marx et d'Engels et dans les premières années du Komintern, une direction nationale faible s'était vue corrigée par ses collaborateurs internationaux.  Mais les liens internationaux du P.O.U.M. se situaient sur sa droite.  Le " Comité international de l'unité révolutionnaire socialiste ", principalement l'I.L.P. en Angleterre et le S.A.P. en Allemagne. Le S.A.P. devait bientôt se tourner lui-même vers le Front populaire, tandis que l'I.L.P. acceptait une campagne unitaire avec les staliniens.  

 

Telles étaient les difficultés politiques pour lesquelles Nin et Andrade avaient abandonné le mouvement pour la IVe Internationale.  Il est vrai que les partisans de la IV- Internationale constituaient de petites organisations, à côté des partis réformistes d'Europe.  Mais ils offraient au P.O.U.M. la forme d'aide la plus précieuse et la plus rare : une analyse marxiste conséquente des événements espagnols et un programme révolutionnaire pour vaincre le fascisme.  Nin était plus -" pratique ", et laissa ainsi passer l'occasion de diriger la révolution espagnole.

 

Le POUM et la politique de Staline :

Un incident extraordinaire mérite d'être rapporté . le 27 novembre 1936, la Batalla était en mesure de démontrer que la C.N.T., l'U.G.T., le P.S., la Gauche républicaine étaient tous favorables à une représentation du P.O.U.M. dans la junte de défense de Madrid.  Pourtant, il ne fut pas représenté.  Comment fut-il- possible à la seule opposition stalinienne d'empêcher le P.O.U.M., avec ses colonnes de miliciens sur tous les fronts, d'être représenté ? Les staliniens seuls pouvaient-ils exercer un droit de veto ? La réponse, c'est l'intervention de l'ambassade soviétique. "Il est intolérable que, en échange de l'aide qu'ils nous fournissent, ils puissent tenter de nous imposer des normes politiques définies, des vetos définis, intervenir dans notre politique et même la diriger", se plaignait la Batalla.  

 

La note de réponse au P.O.U.M. que le consul général Ovséenko adressa à la presse n'a sans doute pas d'équivalent dans toute l'histoire antérieure de la diplomatie.  Elle parut en éditorial dans Mundo obrero, dénonçant les "manœuvres fascistes du P.O.U.M., [ ... ] ennemi de l'Union soviétique". Mais avant la fin de l'année, Ovséenko alla plus loin.  Le 7 décembre, le P.O.U.M. fit appel à la Generalidad pour donner asile à Léon Trotsky.  Avant même que la Generàlidad ait pu répondre, le consul général soviétique déclara à la presse (comme la Prensa le rapporta) que si l'on autorisait Trotsky à entrer en Catalogne, le gouvernement soviétique cesserait toute aide à l'Espagne.  Véritablement, les purges staliniennes avaient passé les frontières.

 

 

Publié dans Histoire et Politique

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