Révolution d'octobre - 40° anniversaire.

Publié le par Philippe Branger

REVOLUTION D'OCTOBRE 1917 EN RUSSIE

L'exposé de Philippe Branger sur la révolution d'octobre a permis de mettre en évidence l'importance de ces "Dix jours qui ébranlèrent le monde". En effet, pendant 70 ans, la révolution Russe, qui a donné naissance à l'Union Soviétique, a été la référence de bien des mouvements politiques, socialistes, communistes, anarchistes... Soit comme exemple, soit comme repoussoir pour toute action politique en quête de transformation sociale.

Il a exposé l'ensemble du déroulement de la Révolution d'octobre, de février 1917 à la "Nouvelle Politique Economique" en 1921, et la mort de Lénine, en 1924.

La Révolution d'Octobre ne peut s'apréhender qu'en prenant en compte la guerre de 1914, horriblement meurtrière, et provoquant misère, malnutrition, mortalité infantile, marasme économique etc. Le conflit mondial est le catalyseur de tous les maux, de la crise agraire, de la profonde détresse de la vie quotidienne. Cette situation provoque des grèves, des insurrection, et, pour résoudre les problèmes de la vie quotidienne, la formation de conseils d'ouvriers, de soldats, de quartiers, qui détiennent une grande partie des pouvoirs. Une véritable démocratie de classe s'installe, parallèlement au gouvernement provisoire de kerenski, qui ne maîtrise plus rien.

Lénine arrive à Pétrograd en avril. Il publie ses thèses d'avril, pour la révolution permanente. Il demande "tout le pouvoir aux soviets" (les conseils). Avec le Parti Bolchevik, il prend la direction du processus révolutionnaire. Le bolchevisme devient la référence de toute l'action révolutionnaire.

Dans la nuit du 24 au 25 octobre (dans l'ancien calendrier tsariste, ce qui correspond à la nuit du 6 au 7 novembre). Un Comité militaire révolutionnaire dirigé par Trotski et composé d’ouvriers armés, de soldats et de marins est créé et prépare l'insurrection destinée à remettre le pouvoir au congrès pan-russe des soviets. En quelques heures, le Comité Révolutionnaire prend le pouvoir. Il est formé de plusieurs partis politiques : essentiellement, des bolchviks et des Socialistes Révolutionnaires de gauche.

Rapidement, le congrès des soviets demande quelles seraient les conditions d'une paix immédiate. Un gouvernement provisoire est formé, qui ne sera composé que de Bolchviks. Les autres partis refusent d'y participer. Mais il n'y a pas eu de coup d'Etat. Les Bolcheviks sont bien le premier parti soviétique. Ils ont une influence prépondérante et, dans le grand bouillonnement révolutionnaire, ils deviennent pour les masses un élément constitutif de leur propre activité. La grande majorité du peuple le suit.

Dès le mois de novembre, l'assemblée constituante est formée.

Les Bolcheviks sont minoritaires avec 175 élus sur 707 députés. Les campagnes ont préféré voter pour les socialistes révolutionnaires. La dissolution de la Constituante par les gardes rouges suit immédiatement sa première réunion, le 19 janvier 1918. Vingt des manifestants protestant contre la décision sont tués : Maxime Gorki saluera en eux, à leurs obsèques, les martyrs d’une expérience démocratique de quelques heures à peine, attendue pendant cent ans. Le marxiste Charles Rappoport écrit à l’époque : « Lénine a agi comme le tsar. En chassant la Constituante , Lénine crée un vide horrible autour de lui. Il provoque une terrible guerre civile sans issue et prépare des lendemains terribles. » ( La Vérité , 26 janvier 1918)

La "paix" sera chèrement payée :

Un armistice est signé le 15 décembre, et des pourparlers de paix commencent le 22 décembre, la délégation russe étant conduite par Trotski. Les exigences allemandes sont énormes : la Pologne , la Lituanie , et la Russie Blanche doivent rester sous occupation allemande. Un débat fait rage entre les bolcheviks au sein du parti bolchevik où trois positions s'affrontent. Certains, comme Boukharine défendent la nécessité d'une guerre révolutionnaire, Lénine pense qu'il faut céder le couteau sous la gorge, et Trotski qui l'emporte par 9 voix contre 7, propose de refuser de signer une paix d'annexion mais déclarer la fin de la guerre.

 En réaction l'armée allemande lance une offensive le 17 janvier, qui avance rapidement en Ukraine. La position de Lénine pour la signature immédiate de la paix l'emporte alors le 18 janvier dans le parti, mais les conditions exigées par les Allemands se sont encore aggravées. Le 3 mars 1918, les bolcheviks signent le traité de Brest-Litovsk qui ampute la Russie de 26% de sa population, 27% de sa surface cultivée, 75% de sa production d'acier et de fer. La situation économique de la jeune république soviétique, déjà ravagée par une guerre meurtrière de 4 ans semble désespérée.

La création de la Tcheka  :

Le 20 décembre 1917, la « Commission extraordinaire de lutte contre le sabotage et la contre-révolution » (en russe Vétcheka), plus communément appelée Tcheka est fondée. Selon Pierre Broué, la Tcheka , créée en décembre 1917 commence vraiment à frapper à partir de mars au moment de l’offensive allemande. Mais c’est au cours de l’été 1918 que les choses changent brutalement, avec l’insurrection des SR de gauche de Moscou et une série d’attentats contre les dirigeants bolcheviks, Lénine grièvement blessé par Fanny Kaplan elle-même sommairement exécutée peu après.

 

 

  Déclarant s’inspirer de l’exemple des Jacobins  de la Révolution française, les dirigeants bolcheviks déclarent opposer à la « terreur blanche » la « terreur rouge ». Selon la Tchéka elle-même, il y a 22 exécutions dans les six premiers mois de 1918, 6 000 pour les six derniers. Bien que ces chiffres soient probablement largement sous-estimés, ils montent l'intensification de la répression à partir du début de la guerre civile. Selon l’historien Chamberlain (cité par Broué), la terreur rouge pourrait avoir fait environ 50 000 victimes.

 Victor Serge fait remarquer que l’ensemble de la terreur rouge a fait bien moins de victimes que certaines journées de la bataille de Verdun. Il estime néanmoins que la création de la Tcheka et ses procédures secrètes est la plus grave erreur du pouvoir bolchevique. Il note toutefois que la jeune république vivait sous des « périls mortels » et que l’initiative de la terreur blanche a précédé celle de la terreur rouge.

La guerre civile :

Le grand Quartier Général (la « stravka ») de l’armée Russe annonce le 31 octobre sa volonté de marcher sur Petrograd « afin d’y rétablir l’ordre ». Rejoint par les chefs du parti SR, il propose la création d’un « gouvernement de l’ordre ». Cependant, la masse des soldats passe peu à peu aux bolcheviks, arrêtant les officiers. Le 9 novembre, Lénine appelle les soldats à s’opposer à la tentative contre-révolutionnaire des officiers, à élire des représentant et engager directement des négociations d’armistice. Le 18 novembre, l’état-major doit fuir dans le sud, le généralissime Doukhonine étant massacré par ses propres soldats.

Dans les semaines qui suivent, des milliers d’officiers et de junkers rejoignent la région du Don. Une armée blanche de 3 à 4000 hommes est montée par le général tsariste Alekseev. Cette armée réprime dans les sang les soulèvements ouvriers à Rostow et Taganrog, les 26 novembre et 2 janvier. Les gardes rouges ouvrières de Moscou et Petrograd convergent vers le sud et mènent une guerre de partisans, qui finissent par chasser Kornilov. Le soulèvement des cosaques de l’Oural se termine par une défaite. Sur le front roumain, l’armée se décompose en détachements blancs, qui rejoindront l’armée blanche de Denikine, et en régiments rouges.

Et il y avait d’autres problèmes qui ne pouvaient trouver leur solution sans l’aide de révolutions à l’ouest. Pour commencer, le monde capitaliste n’acceptera jamais une révolution socialiste en Russie. Et, en fait, tous les pays industriels (y compris notre chère France) ont envahi la Russie révolutionnaire et/ou financé les forces contre-révolutionnaires. Tous les mouvements révolutionnaires ont échoué, réprimés dans un bain de sang. La révolution mondiale attendue ne viendra pas.

 La révolution russe a dû faire front à toutes ces attaques et à son isolement. 

 Il a fallu instaurer le "communisme de guerre". Un durcissement très net du régime dirigé par les bolcheviks . Pour faire face à la disette, à la baisse de la production industrielle, on assiste à une militarisation de l'économie. "Une économie de caserne" est instituée, avec création d'un livret de travail, contre laquelle les syndicats vont protester.

Le 28 février 1921, les marins de la citadelle de Cronstadt se révoltent au nom de la démocratie et du socialisme. Ils sont massacrés par l'Armée rouge de Trotski.

Dans son rapport de mars 1921 au Xe Congrès du PC, Lénine déclare : «Les faits sont là. La Russie est menacée de famine. Tout le système du communisme de guerre est entré en collision avec les intérêts de la paysannerie (...). Nous nous sommes trop avancés dans la nationalisation du commerce et de l'industrie, dans le blocage des échanges locaux. Est-il possible de rétablir dans une certaine mesure la liberté du commerce ? Oui, c'est possible. C'est une question de mesure. Nous pouvons revenir quelque peu sur nos pas sans détruire pour cela la dictature du prolétariat.»

 Le 16 mars 1921, le Xe Congrès du Parti communiste russe adopte le rapport de Lénine.

L'État reste propriétaire de la terre et des moyens de production, il garde le contrôle des banques, des transports et du commerce extérieur ; il regroupe les grandes industries nationalisées au sein de trusts d'État systématiquement favorisés par les investissements publics.

 

 

 

 

 

 

A côté de ce secteur étatique, la NEP autorise l'ouverture d'un secteur privé en rétablissant la liberté du commerce intérieur. Les paysans sont les premiers bénéficiaires de la réforme. La fin des réquisitions et le remplacement des impôts forcés par un impôt unique en nature, fixé chaque année, les encouragent à écouler leurs surplus.

En outre, un code agraire édicté l'année suivante, en 1922, permet aux communes rurales de redistribuer les terres et d'en déterminer le mode d'exploitation (location, fermage, métayage) en vue d'un rendement optimal.

Toujours dans le dessein d'améliorer les conditions de vie de la population, l'industrie lourde cède le pas à l'industrie légère. Le 7 juillet 1921, les entreprises de moins de vingt ouvriers sont dénationalisées.

Les révolutionnaires font même appel aux capitalistes en instaurant le 13 mars 1922 des sociétés mixtes au capital fourni pour moitié par l'État et pour moitié par des groupes occidentaux (beaucoup d'Américains y répondent favorablement).

Un peu plus tard, le secteur public lui-même renonce à l'égalité des salaires dans les grandes usines et restaure une hiérarchie fondée sur la compétence.

En restaurant partiellement l'économie de marché, la NEP va sauver le pouvoir léniniste. Sa réussite sera spectaculaire. Paysans, commerçants et petits entrepreneurs reprennent goût au travail et aux échanges. Le chômage est résorbé. Qui plus est, les communistes russes gagnent la confiance des capitalistes américains. Capitaux et techniciens occidentaux s'investissent dans la «patrie du communisme réel» pour reconstruire les infrastructures.

Dès 1926, la production industrielle dépasse de 8% le niveau d'avant guerre. La production agricole rattrape à son tour ce niveau en 1928 !

Maintenant, alors que rien ne semble rester de la Révolution d’octobre (l’avenir montrera si c’est une illusion), on peut au moins dire : « Acculés au mur, ils ont osé ». Ils se sont lancés dans une contre-offensive audacieuse qui avait au moins une chance d’être victorieuse, au lieu de se replier dans une tactique défensive impuissante. Aujourd’hui, lorsque la survie même de l’humanité est en jeu, il y a peut-être quelque chose à apprendre à cette Révolution.

Le débat qui a suivi l'exposé a montré combien étaient cruciales les questions posées à partir de cet évènement majeur de l'histoire mondiale, et surtout en fonction de son devenir. Que faire, que penser, alors que l'échec de toutes les tentatives de construire une société socialiste, ou communiste ont échoué, se sont évanouïe dans l'histoire, ou se sont transformées en sociétés sclérosées, en systèmes de type capitaliste sauvage ? 

 

Le néocapitalisme impose une société fondée sur des inégalités toujours plus grandes, sur le mépris des salariés, sur l'absence de liberté réelle. Comment entreprendre son dépassement, son renversement, comment bâtir une société différente, en évitant les errements qui ont entrainé les pays du "socialisme réel" à leur propre liquidation.

 

 

 

 

Publié dans Histoire et Politique

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